Mardi 16 mars, 06 h 08
Romain,
Je suis désolée de te contacter si tard. J’espère que tu liras ce mail à temps. J’arriverai plus tôt que prévu à Lyon. Vers 11h. On peut déjeuner ensemble ? Je prendrai ensuite le train de 13h ou 14h.
À tout à l’heure ?
Mathilde.
Mardi 16 mars, 9 h 45
Bonjour Mathilde,
Tu dois déjà être dans le train. Je ne peux pas me libérer avant 12 h 30…
Romain
Mardi 16 mars, 11 h 05
OK. Je t’attends devant la gare ?
M.
Mardi 16 mars, 11h07
OK.
Devant la gare, Romain ne voit pas Mathilde. Pas facile de reconnaître une personne dont on a juste vu une miniphoto sur un réseau social. Peut-être a-t-elle un œil plus aiguisé que le sien et finira-t-elle par venir à sa rencontre ? Il se dirige dans le hall aussi bondé que pour un départ en vacances. Le panneau d’information indique une grève-surprise. Le train de Mathilde semble être arrivé à l’heure. Il sort et fait un rapide tour des terrasses.
Bonjour Romain ! dit Mathilde en faisant glisser ses lunettes de soleil sur ses cheveux.
Romain s’inquiète poliment de savoir si son voyage s’est bien passé et si son séjour sur Valence s’est déroulé comme elle l’avait souhaité. Avant de chercher un endroit pour s’installer pour déjeuner, il lui demande l’heure de son train pour Paris. Tous les trains du début d’après-midi sont annulés. Romain souhaite l’emmener déjeuner en Presqu’île. Mathilde hésite : elle a deux grosses valises avec une partie du matériel de tournage et un sac à dos. Romain lui propose de tout mettre dans le coffre de sa voiture. Il se garera dans un parking surveillé. De toute façon, à Lyon, il n’y a pas tellement d’autres solutions que les parkings souterrains pour stationner. La Presqu’île est à seulement 15 minutes, il la déposera dans l’après-midi de manière à ce qu’elle soit en avance pour prendre le train de 17 heures.
Dans la voiture, Mathilde raconte qu’elle transite parfois par Lyon, mais qu’elle n’a jamais pris le temps de visiter la ville. La seule chose qu’elle connaît est le tunnel de Fourvière emprunté avec ses parents pour des vacances dans le sud et ses interminables bouchons. Justement, Romain lui demande si elle souhaite expérimenter la version culinaire de cette spécialité lyonnaise. Assez vite, Mathilde ne sait pas quoi raconter ou que demander à Romain. De temps en temps, Romain dissipe la gêne des silences par des anecdotes sur les différents quartiers qu’ils traversent. Il se gare dans le premier parking qu’il trouve en centre-ville. Mathilde fouille dans son sac et prend uniquement avec elle son portefeuille et son téléphone. Il est seulement 13 heures, le déjeuner risque de lui sembler un peu long.
Ils arrivent au Café des négociants. Mathilde imaginait que le bouchon lyonnais était un lieu populaire où se retrouvaient les ouvriers pour manger un bout. Ce café lui fait penser aux brasseries parisiennes haussmanniennes avec de hauts plafonds et des dorures partout. Elle ne s’y sent jamais très à l’aise. En tout cas, les serveurs n’ont rien à envier à leurs confrères parisiens : l’indolence paraît aussi de rigueur.
Romain aime ce lieu du XIXe siècle, il imagine à chaque fois pouvoir y croiser les frères Lumières déjeunant avec des diamantaires ou des soyeux. Ce café a aussi pour atout de proposer d’autres plats que les têtes d’affiche des bouchons lyonnais. Il sait qu’il peut être difficile pour un non-initié de s’enfiler un tablier de sapeur et des grattons. Mathilde ne se sent pas très aventurière aujourd’hui, elle se contente d’essayer la salade lyonnaise. Romain commande le poisson du jour, inutile de ruiner tous ses efforts de courses à pied avec un gâteau de foie de volaille.
Alors ces cartes ? Tu me les montres ?
Mathilde est confuse, elle les a laissées dans ses bagages. Il ne manquera pas de lui faire penser de les lui donner tout à l’heure. Ils se racontent malicieusement les anecdotes de la colo. Romain s’amuse à la faire rougir en lui disant que tout le monde avait vu qu’elle était amoureuse de lui. Mathilde se défend : c’étaient ses copines de chambre qui lui avait mis cette idée de bisou dans la tête. Il s’agissait d’un simple pari. Romain lui jure, en tout cas, qu’il n’a jamais embrassé d’autres filles en colo.
Au moment du dessert, Romain vérifie l’état du trafic des trains. Le site Internet indique que celui de 17 heures est annulé. Mathilde propose qu’il la raccompagne quand même à la gare. Elle attendra là-bas. Elle ne veut pas le déranger tout l’après-midi. Romain n’a pas tellement envie de retourner au bureau. On lui a parlé d’une exposition sur Magritte, tout près, au Musée des Beaux-Arts.
– Tu es sûre que ça ne te dérange pas ?
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