Après le traditionnel briefing du lundi matin, Romain a rendez-vous avec sa coach en développement personnel. Le DRH avait imposé cet accompagnement à tous les cadres dirigeants, son entreprise est toujours à la pointe des dernières techniques pour booster les cadres.
Il y a deux ans, dans une formation intitulée Manager avec les couleurs, Romain avait été identifié comme rouge et vert. Il avait eu beau compter et recompter les scores obtenus au test, il était à 50 % un manager concret, opérationnel, aimant diriger et ayant horreur du consensus et à 50 % un manager patient, calme, prenant en compte autrui et ne supportant pas le conflit. Il trouvait ces antagonismes assez étranges. Le formateur lui avait rétorqué qu’il devait apprendre à développer sa capacité à tolérer l’ambiguïté celle-ci étant un moteur de créativité, d’innovation et donc d’amélioration des performances de l’entreprise. Un an plus tard, le même formateur est revenu avec une formation Manager par la créativité. Cette fois, pendant une demi-journée, il a fait du théâtre d’improvisation. C’était assez distrayant ces petits moments.
Sa coach vient au bureau une fois par mois pendant 45 minutes. Son angle d’attaque : le bullet journal comme outil d’accès au bien-être personnel et donc professionnel. Romain en avait vaguement entendu parler, peut-être dans un des magazines que sa femme achète l’été. Tout droit venu des États-Unis, le bullet journal se fabrique à partir d’un carnet tout simple et de tout un tas de feutres de couleurs. À l’intérieur, on crée son propre agenda. Romain a d’abord imprimé des pages toutes faites. Mais la coach a insisté pour qu’il les fasse à la main et qu’il les agrémente chaque mois d’un dessin représentatif de son émotion la plus profonde. Chaque soir, Romain doit écrire sur les pages de gratitude trois éléments de sa journée pour lesquels il est reconnaissance du cadeau offert par la vie. Il doit aussi remplir une grille de suivi de rituels qui sont des indicateurs de performances de réussite de ses cinquante objectifs personnels. Pour l’instant Romain n’a écrit que trois objectifs : aller courir deux fois par semaine, aller au marché les samedis matin et rentrer à pied du travail. Avant que sa coach arrive, il fait une rapide recherche sur Internet et rajoute : apprendre à parler couramment espagnol, écrire des poèmes, faire du théâtre, classer ses photos, apprendre à cuisiner les insectes. Il savait que sa coach était très branchée sur les thématiques ouverture sur le monde et sur les pratiques artistiques. Ça devrait lui plaire. Pour les pages de gratitude qu’il n’a pas remplies, il dira qu’il était trop absorbé par la recherche de dessin symbolisant son moi profond au fil des saisons. Même si cette expérience n’allait pas lui changer sa vie, il était content de ces rendez-vous. C’était assez amusant tous ces feutres et ces petits dessins.
Après le départ de sa coach, il allume son ordinateur et regarde son agenda électronique. La semaine va être courte. Jeudi et vendredi, il est en congé. Il doit emmener sa fille chez l’orthodontiste. Il a aussi prévu de recevoir des artisans pour faire des devis pour quelques travaux dans son appartement. Mathilde ne lui a pas confirmé son heure d’arrivée pour demain. Peut-être avait-elle changé d’avis ? De toute façon, il a du travail en retard et doit faire un squash avec son beau-frère.
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