Il y a quelques jours, je faisais part à un ami de mon agacement face à certains propos politiques de personnes de mon entourage. Cet ami s’est désolé qu’on puisse aborder des sujets qui fâchent lors de soirée. Pourtant, après de longs mois de campagne politique très difficile, je pense que l’importance de débat n’a jamais été aussi grande.
Or débattre est compliqué. Débattre demande une exigence, un engagement. Et il est vrai qu’il est assez tentant d’utiliser des ruses pour l’éviter, quitte à mépriser son interlocuteur : ceci aura au moins l’avantage de se donner un sentiment de puissance.
C’est ainsi qu’un week-end en regardant des enfants construire des châteaux de sable, j’ai pu analyser les manières des adultes de ne pas entrer dans le débat.
Débattre ce n’est pas détruire
Qui n’a pas observé le petit fourbe qui prend un malin plaisir à sauter à pieds joints sur un joli château dès que son constructeur a baissé sa vigilance?
Ainsi sur Facebook je vois passer très régulièrement des personnes qui systématiquement utilisent une métaphore animale pour discréditer ceux qui n’ont pas voté comme eux. L’occasion pour moi de découvrir que les animaux ont une conscience politique…. Mais ce n’est pas le sujet !
Pour imposer leur opinion, certains semblent penser que le meilleur moyen est de faire exploser les idées de l’autre. Mais une fois celles-ci parties en fumée que reste-t-il ? Peut-on vraiment avoir envie d’écouter quelqu’un qui se plait à détruire ce à quoi on croit sans rien proposer d’autre ?
Cette pratique est d’autant plus répandue qu’elle est appliquée par les hommes et femmes politiques eux-mêmes, oubliant leur devoir de responsabilité. Il serait facile d’aller voir comment Trump utilise cette technique. Mais je pense que nous n’avons rien à envier aux Etats-Unis. Ainsi un maire LR a lâché les chevaux du mépris, tellement lâché qu’il a régressé au stade anal (soit environ à l’âge de trois ans).
Débattre c’est sortir des prêt-à-penser
Sur la plage, j’ai aussi pu observer un gosse qui n’arrêtait pas de dire « il faut mettre plus d’eau ! On m’a toujours dit ça! Quand ça ne marche pas, il faut de l’eau! « . En matière de débat c’est ce que j’aime appeler les prêts-à-penser : ce sont des idées toutes faites qui se diffusent dans la société et que certains prennent pour vérité absolue.
Alors c’est sûr, l’utilisation du prêt-à-penser part, parfois, d’une bonne intention : aider l’autre. Sauf qu’il ne faut pas oublier que le prêt-à-penser ne sert qu’à une seule personne : celui qui l’a émis en premier et qui a réussi à le faire adopter par un grand nombre. Pour pouvoir mettre plus d’eau pour faire tenir un château droit, il faut être équipé de seaux. Ainsi qui a intérêt à ce que les gens achètent beaucoup de seaux ?
Si nous revenons aux idées politiques en vogue, le prêt-à-penser qui m’irrite au plus haut point est : « Le FN est un parti comme les autres. » Cette phrase vient souvent conclure une longue liste de plaintes sur la vie quotidienne ponctuée par la désignation de boucs-émissaires.
Bref, les beaux efforts de communication ont porté leurs fruits. En essayant de rendre plus glamour et ordinaire ce parti, les chances d’arriver au pouvoir de sa dirigeante augmentent. Le « FN est un parti comme les autres » est un prêt-à-penser qui ne sert que ses membres voulant accéder au pouvoir.
Mais pour pouvoir sortir de ce prêt-à-penser, de cette bouillie intellectuelle fourguée par ce parti d’extrême-droite encore faut-il s’être demandé si ce parti défend les valeurs de la république, si ce parti a effectivement bien fait table rase de son passé, si ce parti ne cherche pas à faire taire les contre-pouvoir comme tous régime totalitaire, si les mesures économiques de ce parti sont réalistes ? etc. Et à ceux qui, malgré tout ça, disent qu’il s’agit d’un parti comme les autres car il est autorisé en France, je leur proposerai simplement d’acquérir deux trois connaissances sur le cadre juridique de la liberté d’expression dans notre pays.
Débattre c’est faire des efforts et proposer
Aux vues du nombre de lien vers lesquels je renvoie le lecteur pour sortir du prêt-à-penser, nous voyons bien que pour pouvoir débattre, c’est-à-dire avancer une idée qui nous soit propre et pouvoir en discuter avec un interlocuteur, il faut avoir acquis un certains nombres de connaissances. Débattre demande des efforts préalables.
Il va falloir apprendre à observer les châteaux des autres, apprendre à regarder la morphologie de la plage, apprendre à lire le calendrier des marées. Débattre c’est avancer des idées personnelles reposant sur des connaissances pré-existantes et s’inscrivant dans un contexte.
Débattre c’est aussi partir du château de l’autre et proposer ses idées d’améliorations. Débattre, c’est écouter l’autre et respecter ses arguments. Débattre ce n’est pas obliger l’autre à construire le même château que soit. Débattre c’est juste à un moment de l’échange montrer son château et expliquer pourquoi son propre château semble être celui qui résistera le mieux à la marrée et aux pas des promeneurs.
Débattre, ça s’apprend.
Et si je faisais une petite lettre à Manu pour lui en toucher deux mots ?
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