Comme je l’évoquais dans un article sur le nouveau collège de Petit Bouchut, j’ai fait mon collège et mon lycée dans un établissement de la même veine que Poudlard. Sauf que dans mes souvenirs et ceux de Tatie Cécile (ma sœur donc), Alcatraz, c’était bien pire.
J’en ai pris pour 7 longues années
Pas un seul brin d’herbe dans tout l’établissement. Le menu le plus fréquent à la cantine : friand à la viande en entrée et quenelle-riz en plat de résistance. Dans le règlement intérieur, la mention « tout geste d’affection doit être retenu. »
Côté enseignement, je peux sans hésiter dire que ma réussite universitaire ne doit rien à mes profs d’Alcazar ; mise à part peut-être mes profs de sport. Mon bac, je l’ai décroché avec la mention ouf ; ma moyenne d’EPS m’ayant permis d’échapper au rattrapage.
D’ailleurs, il y a quelques semaines, je me suis replongé dans mes bulletins de note. Pendant presque 15 ans j’ai étudié la psychologie. Pourtant au vu des appréciations sur mes bulletins scolaires, je me demande comment j’ai pu finir par faire de l’écriture mon métier. Est-ce donc cela qu’on appelle la résilience?
Voici un petit florilège des appréciations sur mes relevés de notes
- Attention à l’expression écrite
- Résultats un peu juste à l’écrit
- On perçoit des lacunes à l’écrit
Le syndrome de Stockholm?
Un jour, alors que nous ressassions en boucle tous nos mauvais souvenirs, Tatie Cécile a lancé, l’air guilleret, « on va aller à la journée porte ouverte d’Alcatraz ». Fière comme Artaban, joyeuse comme un pinson, elle voulait retourner à Alcatraz.
Vous avouerez donc que c’est quand même une drôle d’idée que de vouloir retour dans sa prison. Vous avouerez aussi que c’est encore plus étrange d’appréhender cette visite avec une telle excitation.
Comme je vous le disais plus haut. Pendant 15 ans, j’ai essayé de comprendre comment fonctionne l’être humain. J’ai lâché l’affaire. Je suis devenue rédactrice.
Samedi 5 février
Nous voilà donc un samedi matin d’hiver devant la grille. A gauche, le parloir.
« A gauche, le parloir » n’est pas un tournure pour mettre du dramatique et rendre comique ce début de visite. « A gauche, le parloir » c’est « à gauche le parloir ». Oui, le parloir : comme l’endroit où les prisonniers peuvent rencontrer leur famille. Sauf qu’à Alcatraz, le parloir désigne le lieu où les familles viennent rencontrer les profs.
A gauche le parloir est toujours là. A droite la cabine avec la dame jamais contente qui vend les cartes de cantine est toujours là elle aussi. La cabine. Pas la dame.
Nous traversons la cours et arrivons dans un sas. A l’intérieur des livres tout moches et déglingué. Le directeur nous apprendra qu’il s’agit du CDI. « On a voulu que la connaissance soit au cœur des élèves«
Si un élève apprend quoique ce soit dans ces trucs dégueulasses qu'on me le montre et qu'organise sur le champ sa canonisation.
Sans tergiverser, j’explique à ce grand pédagogue que nous sommes des anciennes élèves. Sourire poli. « Je vous laisse faire la visite toute seule«
Nous empruntons l’escalier sombre. Rien n’a changé, si ce n’est les toilettes qui ne diffusent plus aucune odeur.
Un petit pas pour Alcazar, un grand pas pour les élèves.
Nous empruntons l’unique très long couloir jaune pisseux. Dans les classes, les bureaux sont toujours alignés les uns derrières les autres. Nous croisons des profs. A chaque fois, le même refrain : « Nous sommes des anciennes élèves ». Sourire poli. Aucune question. Aucune réaction.
Sont-ils sourds? Porteurs de troubles autistiques? Vivants? Humains?
Tatie Cécile me fait remarquer qu’elle n’a vu aucune traces d’élèves dans les classes. Pas un papier qui traine. Pas un livre. Pas d’inscription sur les tableaux. Rien. Le couloir est long, jaune passé, vide. Le temps est gris. Le vent est froid. Je lui fais presser le pas. « Viens on va voir le gymnase. »
A l’entrée, nous passons devant la salle des profs. Des tasses avec des fond de café l’habitent.
Direction la salle de musique. A l’intérieur du bruit. Des êtres humains bougent. On entre. Un monsieur tout gentil et souriant nous accueille. Des élèves sont vautrés un peu partout. Un autre monsieur chauve tente de les rassembler pour les faire chanter. Il fait sonner deux trois accords de guitare. Les mêmes qu’il y a trente ans. Monsieur Chauchat.
Et bien voila Anne-Lise arrive au sommet de son art. D’un établissement où il suffirait de renommer le parloir en »espace de de rencontre », repeindre les couloirs ,planter quelques végétaux dans la cour ,nous entrons dans le roman digne d’un Victor Hugo. Ne voyons nous pas revivre Cosette et les Thénardier?
Qui est-ce qui a psychosomatisé juste avant la fameuse porte ouverte? Ton inconscient t’a fait attraper le Covid pour ne pas être obligé de visiter Alcatraz! Lui sait mieux que toi! Lui sait qu’un coup de rouleau et trois quatre jardinières n’aurait rien fait et n’y feront rien!!! Ecoute ton inconscient!
J’aime trop ton style d’écriture, léger et généreux.
Bonne continuation
Sonia
Merci Sonia! Ton commentaire me touche! Bienvenue dans Anne-Lise fait des chansons!