Fin juillet. A la fabrique de cerf-volants. Tous les salariés épuisés. La moitié de l’effectif avait fui en vacances. Ceux restant se tenaient aux murs pour ne pas s’effondrer de fatigue. Un salarié au bout du rouleau eu même l’audace d’être en arrêt maladie.
Ce dernier était spécialiste des Groupes d’Etrangers Venant Apprendre les TEchniques de Fabrication française (les GEVATEF). L’Etat nous demande de leur apprendre les techniques de la République – tous les cerfs-volant devront être bleu-blanc-rouge, uniquement – mais aussi notre langue. Une salariée intervenant sur ces groupes m’a d’ailleurs fait remarqué l’autre jour que le programme imposé avait un petit goût colonialiste. Voyons le bon côté des choses, ça donne une ambiance vintage à notre travail. Et le vintage, c’est à la mode!
C’était donc à la fabrique de cerf-volant, fin juillet, un lundi matin. Un groupe GEVATEF se retrouva sans animateur pour 2 jours. Je passais bien innocemment devant le bureau du contrôleur général. A peine le temps de dire bonjour qu’il m’expédia en salle 8 pour prendre en charge les GEVATEF.
« Salut les gars, je suis Anne-Lise. Vous êtes qui? Vos cerf-volants, ils sont où? » Pour seule réponse, des grands sourires.
« Cerf-volants? » Sourires.
« Anne-Lise » Sourires.
« Cochon d’Inde. » Sourires.
« Anticonstitutionnellement? » Sourires.
« Comment vous appelez-vous? » Sourires.
« Vous avez vu j’ai un ukulele? » Sourires, rires, rires, rires.
« Vous avez vu j’ai des clochettes? » Sourires, rires, rires, rires, rires.
« Vous avez vu j’ai des gros bâtons en plastique qui font de la musique » Sourires, rires, rires, rires, rires.
« On fait une chanson? » Sourires, rires, rires, rires, rires, rires, applaudissements
Et voilà comment a débuté mon premier atelier d’écriture de chanson sans complice musicien. 2 jours pour faire écrire et de mettre en musique une chanson à des gens plein de sourires.
Credit photo: Benjamin Lipsman
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