Lettre à Manu : et si tu arrêtais de vouloir faire la guerre ?

Oct 19, 2020

Salut Manu,

Comment ça va? En forme?

Moi ça va couci-couça… Pas facile en ce moment le business. Mais bon j’arrive quand même à me changer les idées, notamment en lisant le site Internet de Voici et Paris Match. Ca me donne l’impression d’être à la plage. D’ailleurs en feuilletant leurs articles, j’ai été piqué de curiosité à ton égard. Je ne sais pas trop si je vais oser te demander… c’est un peu gênant… Mais je brûle d’envie de savoir… Allez! Je me lance! On verra bien si tu me réponds.

Alors Manu, voilà. J’ai une question. C’est un peu intime. Un peu zizi panpan! Je me demandais, si par hasard, dans les moments coquins avec Brigitte, tu te déguisais en chevalier.

Je m’explique. Je te trouve vraiment très branché sur le thème de la guerre. Il y a déjà eu ton envolée lyrique pendant le confinement « nous sommes en guerre, nous sommes en guerre, nous sommes en guerre, nous sommes en guerre…  » On a tous vu que tu avais à ce moment-là à une demi-molle. Et puis l’autre jour en commentant l’attentat terroriste, tu as remis ça « nous allons gagner la bataille ». Enfin, sur le tarmac en accueillant Sophie Pétronin, on sentait que ton kiki chauffait en pensant à la guerre que la France mène au Mali.

Depuis 2012, des soldats français se bouffent à longueur de journée du sable dans un territoire grand comme 7 fois la France, risquant de se faire zigouiller à tout instant. L’objectif affirmé par la France : combattre l’ennemi pour nous protéger du terrorisme. Ainsi entre deux dunes, l’ennemi commanditerait des attentats. J’imagine qu’il fait ça grâce à la technologie d’Internet.

Moi, j’ai souvent du mal à avoir une connexion acceptable alors que j’habite dans une métropole de 2 millions d’habitants. En revanche, les gars dans le désert n’auraient aucun soucis pour se choper de la 4G… ça doit surement venir des turbans qu’ils se mettent sur la tête. Ils doivent mieux faire relai que l’antenne juste à côté de chez moi. Faudrait peut-être que je songe à m’en acheter un.

Passons. Il y a un autre truc que je trouve étonnant dans le fait de vouloir guerroyer au fin fond du désert pour combattre le terrorisme sur le territoire français. C’est que les terroristes depuis 2015 vivaient tous en France. Certains ont même passé leur enfance en France.

Alors tu vas me dire que l’autre malade qui a trucidé le prof c’est un vilain tchétchène. C’est vrai. Mais dimanche 18 octobre 2020, Laurent Nuñez, coordinateur national du renseignement et de la lutte contre le terroriste, a affirmé que celui qui a commis le crime de Conflans n’avait aucun contact avec un ou des réseaux de l’étranger. En revanche, il était en contact avec le parent d’un élève et l’autre cinglé de prédicateur, tous deux bien implantés sur le territoire français. Donc pourquoi aller guerroyer dans le sable quand les ennemis sont de toute évidence en France. Pourquoi envoyer des soldats français risquer leur vie dans une guerre qui ne concerne pas la protection de leur pays ?

Je sais je cherche un peu la petite bête. Je sais que tu sais que ça se joue chez nous, dans nos banlieues. Je sais que tu as analysé la situation et que tu as compris les liens forts qu’il y avait entre la fabrication de terroristes en France, le trafic de drogues et d’armes. D’ailleurs tu as décidé de prendre ce problème de la drogue à bras le corps.

Tiens, rien à voir. Mais à propos de drogue, sais-tu ce qu’a pris Patrick Peloux pendant 5 ans. Je pense qu’il a dû pas mal sniffer de trucs chelous. Hier il a déclaré sur France Info « on est arrivé à un point de non retour ». Le mec s’est battu au sein de la rédaction pour la liberté d’expression en mettant à mal sa propre liberté de mouvement. Il a assisté à un massacre. Il vit entouré de gardes du corps. Pas moyen de pisser sans que personne ne le sache. Et seulement aujourd’hui il dit qu’on est arrivé à un point de non retour. Ce qui veut dire que malgré tout ce qu’il a traversé avec Charly Hedbo jusqu’à il y a peu, jusqu’à l’attentant du vendredi 16 octobre 2020, il gardait l’espoir d’un avenir meilleur! Putain! Quel Homme!

Parce que personnellement, depuis 2015, je pense au plus profond de moi que c’est foutu! Je pense au plus profond de moi qu’on a touché le fond et qu’on est bien collé au fond, et ce pour plusieurs décennies.

Quand j’ai engagé mes travaux de recherche sur l’illettrisme, c’était en étant porté par des idéaux politiques. Jeune et utopique, j’avais lu Arendt, j’avais lu « Le liseur » de Schlink. Faire en sorte que tout le monde sache lire et écrire étaient pour moi le gage du bon fonctionnement d’une société démocratique. C’était s’assurer d’éloigner définitivement toute forme de totalitarisme.

Cet idéal s’est effrité lors de ma première menace de mort vers 2007. Dans une de mes interventions auprès de jeunes de quartier, j’avais fait allusion à nos ancêtres très poilus. Quelques jours après, il m’a été demandé de « dire La vérité » : nous venons d’Adam et Eve. J’ai ri. On m’a menacé de me poignarder. On m’a d’ailleurs très précisément expliqué comment on allait s’y prendre. Lorsque j’ai informé ma direction et annoncé mon souhait de porter plainte, on m’a dit « oh mais non… faut la comprendre« .

Mais cet idéal a définitivement pris l’eau au lendemain de l’attentat contre Charly Hebdo. Dès potron minet, il me fallait me rendre au fin fond d’une banlieue aux multiples mosquées caves. Il me fallait supporter d’entendre jeunes racailles et adultes qui a priori bien rangés « ah mais ils l’ont bien cherché« . Et surtout il me fallait endurer le refus de respecter la minute de silence. Lorsque j’en ai parlé à ma direction on m’a dit « oh mais non… faut les comprendre ».

Mais bon, tu vas me dire que depuis 2015 de l’eau a coulé sous le ponts, que maintenant c’est toi qui tient la barque, qu’on va gagner la guerre contre le terroriste. PARCE QUE TOI, LA GUERRE, TU AIMES CA, PUTAIN!

Je veux bien essayer de te croire. 

Toutefois, lorsque je regarde les films de guerre, sur toutes les scènes de bataille ils sont nombreux. La compagnie combat d’un même corps. L’état major les soutient. Les ambulances sont prêtes à intervenir.

Franchement, là, je me demande si c’est le cas. J’admire sincèrement tous ces enseignants qui sont prêts, dès la rentrée, à investir tout leur être pour l’éducation à la liberté d’expression. J’admire sincèrement tous ces enseignants qui coûte que coûte continueront à montrer et à faire comprendre le sens des caricatures de Charly Hebdo. Mais mon sentiment qui domine est d’abord et avant tout la peur. J’ai peur pour nos enseignants.

Je vois d’ici Jean Michel Blanquer me faire ses gros yeux de maître d’école des années 1900, lui qui a déclaré dimanche 18 octobre 2020 sur France Inter « Faire république c’est ne pas avoir peur ». Oui Jean-Mi, j’ai peur pour les enseignants. Oui Jean-Mi je suis une mauvaise républicaine.

Mais peut-on vraiment aborder en confiance et en combativité les prochaines semaines après avoir entendu son interview. Peut-on vraiment être en confiance et ne pas avoir peur lorsque le journaliste demande « que ferez-vous si le minute de silence n’est pas respectée » et que Jean-Michel Blanquer élude la question. Va-t-on encore devoir entendre « oh mais non… faut les comprendre »?

Alors Manu, je comprends que tu aimes la guerre. Mais au lieu de la déclarer à tire larigot, achète-toi des playmobiles. Au lieu de dire à des soldats de risquer leur vie à l’autre bout du monde pour on ne sait quoi, au lieu de nous faire des déclaration face caméra tel un actor studio, au lieu de fanfaronner lors de la libération d’une otage pour laquelle tu n’as aucune responsabilité, assure toi que ton ministre de l’éducation et toute son administration fassent preuve de fermeté et donnent des moyens à la hauteur du courage de tous ces enseignants.

Je te souhaite une bonne soirée,

Bises

Anne-Lise

Anne-Lise

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1 Commentaire

  1. Je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi personnel. Merci pour ta sincérité 😘

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Voilà plus de 15 ans que j’écris des histoires plus ou moins proches d’anecdotes personnelles vécues. Avec les mots, je transforme un quotidien somme toute très ordinaire en épopée digne des plus grands chevaliers.

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