Salut Manu,
Comment vas-tu ? Ton déménagement s’est bien passé ?
Au fait, félicitations pour ton nouveau job ! Tu dois être sacrément content ?
J’ai vu dans la presse que tu as commencé les voyages présidentiels et goûté aux joies des cadeaux diplomatiques. Quel dommage quand même que ce job t’occupe autant. Avec les 600 kg de mangues que t’a offert le président du Mali, tu aurais pu faire plein de confitures. Je pense que les militaires français à qui tu les a données ont dû trouver une idée pour venir à bout de cette cargaison.
Dis donc Manu, si je t’écris aujourd’hui, c’est pour te parler de mon fils. Oui je sais que tu n’as pas d’enfant. On nous a assez rebattu les oreilles avec ta vie privée. D’ailleurs, c’est pour ça que j’ai un peu arrêté de suivre la campagne et de t’envoyer des lettres : je ne supportais plus les attaques faites à ton couple. Voyons le côté positif de cette histoire : tout cela t’a certainement permis de bien avoir à l’esprit qu’à présent tu es à la tête d’un vieux pays aux mœurs souvent trop conservatrices. Il va te falloir du courage pour faire avancer tout ça!
Alors Manu, je t’explique : l’été dernier, mon fils s’est pris de passion pour la piscine. Depuis je l’emmène plusieurs fois par semaine nager. Pendant les vacances de Noël, il y est même allé jusqu’à 10 fois en quinze jours. J’avais la peau dans un état…
Comme tu as pu le lire sur mon blog, cette année il y va avec l’école. Tu te souviens? J’ai passé mon agrément pour accompagner bénévolement sa classe.
Au bout de 4 séances, tu sais ce qu’il me dit ? « Je ne veux pas aller à la piscine avec l’école ». Tu te rends compte ? Un passionné pareil dégoûté en quatre séance de la piscine à l’école ? « Je ne veux pas aller à la piscine parce que je m’ennuie et je n’apprends rien ». En quatre séance, le plaisir de nager a été tué !
Je pourrais te raconter d’autres meurtres de plaisir qui ont été pratiqués par l’école sur mon fils…. Mais le plus grave, c’est qu’il n’est pas le seul enfant sur lequel a été pratiqué cette tuerie.
L’autre jour, une maman me montrait un cours de français de son fils de 13 ans : 5 pages sur la conjonction de subordination « que » qu’il devait apprendre par cœur. Ce p’tit gars adore écrire et se demande aujourd’hui pourquoi, pour écrire des histoires, il faut connaître ces 5 pages.
Or, Manu, tu n’es pas sans savoir qu’apprendre signifie littéralement prendre à soi. Comment peut-on arriver à faire apprendre quoique ce soit à un enfant en organisant des situations d’apprentissage dans lequel le plaisir n’a pas à exister ? Comment en présentant des savoirs déconnectés de toute réalité est-il possible de faire apprendre un enfant ? Qui de sensé aurait envie de prendre à soi quelque chose qui ne lui procure aucun plaisir et dont il ne sait quoi faire ?
Pourtant ils le font toute la journée, nos élèves… Toute la journée, ils ingurgitent des connaissances sans plaisir, toute la journée ils courbent l’échine et avalent sans broncher des trucs dont ils ne voient pas le sens.
Alors on peut se dire que, de toutes façons, la vie n’est pas qu’une cour de récré. On ne peut pas passer son temps à s’amuser et prendre du plaisir. On peut aussi se dire que, de toutes façons, en entreprise, ils devront faire exactement la même chose : obéir à des consignes qui ne font pas sens et dont ils ne partageront pas toujours les valeurs.
Ou alors… on peut se dire que ce système est absurde, qu’il ne fait que créer des citoyens malheureux, soumis et incapable de prendre leur vie en main.
T’en penses quoi Manu?
J’espère qu’on aura l’occasion d’en discuter autour d’un café. Je monte à la capitale début septembre. T’as une petite heure pour moi?
Bises
Anne-Lise
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