#févrierécrit : face de macaque

Fév 16, 2023

À 20 ans, les crèmes pour le visage, c’était pour faire ma coquette. À 40 ans, elles sont une question de sécurité. Pas une question de sécurité publique, mais une question de sécurité personnelle.

Si des jeunettes passent par ici, il me convient de les prévenir, de leur faire part de mon témoignage.

Dès mes 40 bougies soufflées – et comme toutes celles qui ont soufflé leurs 40 bougies – je suis passée dans l’autre monde. Je suis devenue une sorte d’ectoplasme. Aux yeux de l’ensemble de la société, j’ai disparu.

Depuis 2020, je peux me promener dans la rue avec des plumes dans le cul sans que personne ne détourne son regard sur mon popotin.

Seules les mémés de 40 ans et plus semblent encore pouvoir m’apercevoir.

Je suis entrée dans une confrérie secrète. 

Lorsqu’elles me croisent, moi, nouvelle venue dans le monde des vieilles, elles m’adressent un hochement de tête compatissant :

« Courage, le pire est devant toi. Lorsque tu te seras faite à l’idée que tu n’existes plus, tu te taperas les bouffées de chaleur. »

La foule s’en fiche donc comme de sa première culotte du fait que je mette ou non une crème sur le visage.

En revanche, pour moi, ou plutôt pour mon appareil cardiaque, c’est quasi vital.

Passé 40 ans, le visage n’est plus tout à fait le même le matin. J’hésite dans sa description. Tantôt vieux pruneau rabougri, tantôt une sorte écorce de litchi… et parfois même un peu des deux.

Je sais que si je n’y fais rien, je peux sombrer dans l’irréparable. Je sais que si je ne maintiens pas le bazar à flot, mon minois peut devenir une fusion du visage très très ridé de Jeanne Calment et de celui d’une ado n’ayant pas encore pris du Roacutanne.

Alors pour éviter d’avoir un jour à affronter cette image de moi dans le miroir – ce qui provoquerait immanquablement un arrêt cardiaque – il me faut me foutre de la crème sur le visage.

Un jour, j’appelle ma copillègue (copine + collègue) Catherine. Avec une énorme voile de pudeur, j’évoque ce que je viens de vous raconter. Enfin dans les grandes lignes.

Elle change de voix. J’ai l’impression qu’elle se transforme en scientifique de la NASA. Elle m’explique qu’elle commercialise une crème basée sur des études scientifiques. Elle se lance dans de grandes explications et enfonce le clou avec des résultats statistiques qui feraient pâlir n’importe quel chercheur.

Pour Catherine, la cosmétique est scientifique ou n'est pas. 

Si j’étais dans un état normal, je foncerais chez Catherine. Je lui achèterais tout son stock. Mais voilà, il faut que je vous l’avoue : je ne suis pas complètement certaine d’être dans un état psychologique stable. J’ai parfois même l’impression qu’en franchissant la porte des 40 ans, j’ai laissé de l’autre côté ma rationalité.

Je ne suis pas allée chez Catherine, donc. Je suis allée dans un immense magasin de cosmétique.

Certes, je sais que je dois m’étaler de la crème anti-face-de-macaque. Mais moi je veux du rêve. Moi je veux du marketing. Moi je veux une crème avec un nom débile. Moi je veux un packaging digne de chez Chanel. Moi je m’en cogne de la science.

De toute façon, c’est déjà fichu !

Anne-Lise

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Voilà plus de 15 ans que j’écris des histoires plus ou moins proches d’anecdotes personnelles vécues. Avec les mots, je transforme un quotidien somme toute très ordinaire en épopée digne des plus grands chevaliers.

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