Le problème du moniteur de ski

Avr 24, 2019

Chère Anne-Lise,

Je vous envoie ce message du haut de mon télésiège. Chaque année, c’est la même chose. Chaque année, je me dis que je ne le referai pas. Chaque année, je fonce droit dans le mur. Chaque année, je me coince un moniteur de ski. Chaque année, je suis déçue. Suis-je normale ?

Chère Lectrice,

Dans la mesure où la normalité peut être définie comme le comportement adopté par le plus grand nombre de personnes dans une société donnée, je pense pouvoir affirmer que vous êtes tristement normale.

Peut-être imaginiez-vous en m’écrivant que vous étiez différente, que vous aviez un petit truc en plus, que vous étiez un peu au-dessus de toutes les dindes, bécasses et autres cruches. Mais malheureusement, je crains que cela ne soit pas le cas. En matière amoureuse, on n’a pas vraiment grand-chose d’original à attendre des êtres humains (sauf de moi, bien entendu).

Alors que se passe-t-il pour que vous retombiez inlassablement dans le panneau ? Si j’avais été attentive à mes cours de neurobiologie, j’aurais peut-être pu vous dire que le manque d’oxygène en altitude altère vos capacités cognitives. Mais franchement, je n’ai jamais rien compris à tous ces trucs. D’autant plus que je suis à peu près certaine que vous renouvelez ce badinage amoureux, l’été avec le moniteur de planche à voile. L’argument biologique tombe à l’eau ! (planche à voile/tombe à l’eau…. c’est drôle non ?!)

Reprenons tout cela calmement. Décortiquons la situation et essayons de comprendre pourquoi vous vous envoyez en l’air avec le premier moniteur de ski venu. Essayons de savoir pourquoi le lendemain matin (voire dans les 5 minutes qui suivent) vous avez envie de vous mettre la tête dans le mixeur (ou celle du moniteur) tellement vous trouvez la situation affligeante.

Vous êtes dans la file d’attente du télésiège. Vous commencez sérieusement à en avoir ras le bonnet de monter et descendre comme les 10 000 personnes qui vous entourent. Vous avez mal aux pieds. Vous avez froid. Vous avez des courbatures. Vous pensez au boulot. Un moniteur embarque avec vous. Il est à contre-jour, mais vous vous dites qu’il doit avoir de belles fesses. Il se met à vous parler des traces de bouquetin. Vous vous souvenez que vous avez oublié de payer votre facture d’électricité. Il vous cite le nom des montagnes. Une bouffée d’angoisse vous vient en pensant à l’appel d’offres que vous avez à rendre. Il vous raconte sa dernière dernière sortie en ski de randonnée et vous propose d’aller boire un verre. La montagne, ça vous gagne ! Vous acceptez.

Bien entendu autour du vin chaud, vous lui dites que le ski c’est votre passion. (grosse menteuse !), que votre job est tellement excitant (grosse menteuse !), que vous avez pour projet de partir visiter l’Inde en sac à dos cet été (grosse menteuse !).

Et pif, paf, pouf, vous voilà à faire défiler les pages du Kamasutra en moins de temps qu’il n’en faut pour le trouver dans une librairie.

Une fois l’affaire dans le sac, il vous parle de ses problèmes avec son ex, de ses problèmes de boulots, de ses problèmes, de ses problèmes, de ses problèmes, de ses problèmes, de ses problèmes de ses problèmes… et vous vous dites : plus jamais ! JAMAIS !

Mais voilà, chère lectrice, l’être humain est ainsi fait. À moins de vous transformer en canari, en limace, en pingouin ou en rhinocéros, il va falloir faire avec votre condition. Malheureusement, il y a eu problème majeur lors de la conception de l’être humain. Quoi qu’il fasse, le rêve l’excite. Non seulement il aime rêver mais il adore encore plus faire rêver. Impossible de lutter. Inutile donc chère Lectrice, de culpabiliser. Et surtout, embrassez le prochain moniteur de ma part !

En espérant vous avoir rassurée,

Bien à vous,

Anne-Lise

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Voilà plus de 15 ans que j’écris des histoires plus ou moins proches d’anecdotes personnelles vécues. Avec les mots, je transforme un quotidien somme toute très ordinaire en épopée digne des plus grands chevaliers.

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