Route de la quarantaine : confiance en soi et génération RAB

Juil 7, 2022

Suite à mon dernier article, une de mes lectrices a tenté de me faire voir le côté positif de la vieillesse. Madame La-connasse-qui-prend-pas-un-gramme-passé-40 m’a fait remarquer que ce qu’il y a de génial c’est la confiance en soi.

Passé 40, tu ne te poses plus trop de questions. Tu dis ce que tu as à dire. Et en y repensant…

Épisode 1

Nous sommes en octobre 2003. 23 ans dans quelques semaines. Université Lyon 2. De l’autre côté du bureau. C’est moi la prof. Entre 40 et 50 étudiants qui pour moitié sont plus vieux que moi. Je suis en train de leur expliquer comment construire un entretien. Je me touche les fesses.

Merci! Stop! Halte! Pas d’interprétation! Je vous rappelle qu’ici, c’est moi la docteure en psychologie. Je suis donc seule habilitée à tirer des interprétations.

Donc, je disais : je me touche les fesses. Je porte un jean. Pourtant je sens une partie plus douce.

Merde! J'ai un trou aux fesses. 

Oui je sais. Mais vous avez compris. C’est le jean qui est troué.

J’ai envie de me jeter par la fenêtre. Idée immédiatement abandonnée. Nous sommes dans un préfabriqué. Dans le pire des cas, je me foule une cheville. Vite, une chaise.

Episode 2

Quelques mois plus tard. J’ai 24 ans. J’ai pris de l’assurance.

Salle 49k.

Je sais que vous ignorez ce qu’est la salle 49k.

49k est la salle qu’on a attribuée à ma spécialité en psycho. Spécialité tellement peu aimée, qu’aujourd’hui elle est portée disparue dans mon Université de formation.

La salle 49k se trouve presque en sous-sol. Au fond d’un couloir sombre. À côté des toilettes. Parfait pour profiter à loisir de l’environnement olfactif.

Dans la salle 49k, il y a 30 chaises. J’ai 45 étudiants inscrits à mon cours.

Si les calculs sont bons 45-30=15.

15 étudiants se trouvent assis par terre.

La scène se passe à 8h00. Un étudiant au premier rang, pile en face de mon bureau, assis confortablement – contrairement à 15 clampins – se décide à faire un petit somme.

  • Vous prenez vos affaires et vous sortez
  • Mais, Madame, s’il vous plait, donnez-moi une seconde chance
  • Non. Dehors.

Ce dialogue sans didascalie peut faire croire que j’étais une guerrière. D’apparence, peut-être. En réalité, j’étais toute tremblante, le cœur battait à 3000 à l’heure.

Je sais aujourd’hui que ces émotions étaient complètement inappropriées. En 2004, je suis enseignante à l’Université. Je suis du côté obscur de la force. C’est moi qui ai le mojo! Dans la pyramide de la meute, je suis au-dessus.

Tout le monde le sait.

D’ailleurs, aucun étudiant n’aurait l’idée de moufter face à une décision d’enseignant.

Lorsqu’on leur claquait le bec, ils revenaient au TD suivant plus remontés que jamais. Prêts à montrer qu’ils n’étaient pas des petits cons, ils mettaient tout en œuvre pour essayer, à la force de lectures et de travail, d’obtenir une excellente note… Rêvant à leur tour de nous claquer le beignet. Chose absolument veine, car, à l’Université, pour monter dans la meute, il y a des diplômes à décrocher et des rites à respecter.

Mais à l’époque je n’avais pas encore décodé ce fonctionnement. J’avais juste les pétoches de ne pas en savoir assez et que les étudiants s’en aperçoivent.

Episode 3

En réalité le nombre d’épisodes que je pourrais vous raconter où j’ai fait semblant d’avoir confiance, mais où j’avais juste envie de me faire pipi dessus est incalculable.

Pendant près de 10 ans, avant chaque conférence, je réfléchissais au meilleur moyen de me suicider.

Si ça vous intéresse, je crois l’avoir trouvé. Demandez en commentaire.

Lors de ma dernière conférence, il y a 5 ans, j’ai quand même senti que j’étais en progression : j’ai juste prié pour qu’il y ait une alerte à la bombe et que l’école soit évacuée avant le début de mon intervention.

Encore et toujours ce syndrome de l’imposteur. Et si parmi les 200 auditeurs, l’un d’eux me posait une question piège?

Nouveaux étudiants, nouvelles baskets

Et cette année, un truc c’est débloqué. Je me suis lâchée. Je vous retranscris les dialogues. Aucune didascalie nécessaire. Hyper bien dans mes baskets.

  • Non, mais Madame, vous savez que plus personne n’utilise le point-virgule? Ça sert trop à rien!
  • Évidemment! Écrivons donc à l’Académie française pour les prévenir de votre trouvaille.
  • Non, mais Madame, vous savez que ça ne se fait plus d’écrire « bien à vous » à la fin d’un mail?
  • C’est justement pour ça que je vous dis de le faire. Je me suis mis comme mission ultime de vous apprendre des trucs qui ne servent à rien
  • Non, mais Madame, on peut pas faire le devoir à deux?
  • Non.
  • Pourquoi?
  • Pas envie.

Le pompon de la pomponette ne peut se retranscrire sous forme de dialogue. La scène se passe lors de la correction de copies. Une étudiante a été prise d’une envie de souligner des titres sans utiliser de règle…. Elle a osé souligner sans règle…

Si cet article n’était pas déjà si long, je vous raconterais pourquoi ce sujet du soulignage à la règle est si sensible pour moi. Une histoire de CM2 et de maître à l’ancienne.

Bref.

Elle ose ME rendre une copie avec des titres PAS soulignés à la règle.

Stylo rouge. Flèche. Annotation : "c'est une blague?"

La confiance en soi à l’épreuve de la génération RAB

Comme vous l’avez compris, niveau confiance en soi, je ne partais pas avec un gros capital. Et franchement, contrairement à ce que Madame La-connasse-qui-ne-prend-pas-un-gramme-passé-40 m’a dit, cette révolution n’est pas due à mon âge. Parce que si tout était resté comme au début des années 2000, jamais je n’aurai osé dire de telles choses aux étudiants.

Mais voilà, ils ont changé.

Génération RAB

Les sociologues ont pour manie de qualifier les différentes générations à l’aide de lettre ; génération X, génération Z… On ne sait pas trop bien pourquoi telle ou telle lettre. C’est enfermé dans leur tour d’ivoire qu’ils décrivent les comportements de ces nouvelles générations.

Même si je suis de formation universitaire, j’ai toujours une approche assez pragmatique pour expliquer les phénomènes sociologiques. J’aime quand ça correspond vraiment aux réalités. Je crois que c’est parce que j’ai toujours eu les mains dans le cambouis.

Voilà. Donc la génération d’étudiants à laquelle je me frotte est la génération RAB.

Rien

A

Branler

C’est merveilleux.

Il peut se passer n’importe quoi. On peut leur dire n’importe quoi. Tout glisser. RAB. Rien à Branler.

J’avoue, j’exagère un peu. Tout ne glisse pas complètement sur eux. Les notes. Ça les rend grognons. Mais ce n’est pas de leur faute. C’est à cause d’un truc psychanalytique qui est coincé. Peut-être encore un coup de Tchernobyl. Un effet secondaire encore jamais étudié. Un truc grave qui aurait bloqué la mécanique de développement.

La génération RAB est bloquée au stade anal.

Rien à voir avec mon histoire de fesses du début. Le stade anal est une histoire de Freud. En gros, vers 2-3 ans, les gamins aiment qu’on les félicite et qu’on s’extasie dès qu’il font caca dans le pot.

Et bien la génération RAB, c’est toujours ça! Quoi qu’il fasse, nous devons les féliciter et nous émerveiller. Et ce, même si objectivement, c’est de la bouse! Parce que quand même… C’est pas facile… Très très dur … Compliqué… Stressant… Ben oui… Le covid… Le réchauffement climatique… L’inflation… C’est qui les victimes? Faudrait peut-être voir à les comprendre!

Abolissons le point virgule!

Mettons fin aux formules de politesse trop compliquées à écrire!

Brûlons les règles!

Et tant pis pour la confiance en soi...

Anne-Lise

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2 Commentaires

  1. Donc, si j’ai bien compris, la génération RAB n’a pas quarante ans, mais déborde de confiance en elle ; euh, ce n’est pas le contraire de ce que ta lectrice voulait démontrer ? Et pour rencontrer aussi ce public, je rejoins totalement ton analyse sociologique. Bien à toi.
    P.S. : j’aime bien le point-virgule, moi !

    Réponse
    • Tu ne voudrais pas nous raconter le jour où tu as écrit un point virgule au tableau devant des poissons rouges??!!

      Réponse

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Voilà plus de 15 ans que j’écris des histoires plus ou moins proches d’anecdotes personnelles vécues. Avec les mots, je transforme un quotidien somme toute très ordinaire en épopée digne des plus grands chevaliers.

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